
La figure indienne vue par Hollywood
Depuis les origines du septième art, les Amérindiens ont été représentés sous tous les traits possibles et inimaginables.
Du noble indien à l'indien sauvage en passant par la furie indienne au mysticisme indien, c'est naturellement dans le cinéma américain qu'il a été le plus représenté, et pas forcément sous son meilleur jour.
Dès l'origine du cinéma au début du siècle, l'indien est déjà au centre des préoccupations des cinéastes pionniers américains. Parmi eux, D.W. Griffith tourne de nombreuses scènes de batailles entre Indiens et Américains. Plus tard, H.P. Carver réalise en 1930 L"ennemi silencieux dont l'action évoque la vie d'une communauté indienne bien avant l'arrivée de Christophe Colomb. L'indien porte alors les traits de l'être romantique dont il est bon de s'inspirer. C'est dans les années suivantes que son image patinera sérieusement.

L'ennemi silencieux
L'arrivée du parlant et la demande accrue de spectateurs en manque de scènes d'actions inciteront les réalisateurs à se tourner du côté du western, genre qu'ils feront leur, dont les deux plus emblématiques restent John Ford et Raoul Walsh. L'indien est alors l'ennemi idéal qu'il faut abattre le plus froidement possible. La suprématie de la race blanche en ressort alors toujours plus grande, incarnée par le grand, beau et imposant John Wayne. Entre temps, les conséquences de la Seconde Guerre mondiale auront considérablement modifiés la donne.
C'est à cette époque que les stars américaines du moment incarneront les Indiens les plus mythiques de l'Ouest, tous en quête d'un même espoir pacifique. Burt Lancaster, Anthony Quinn, Burt Reynolds, Charles Branson, Boris Karloff... tous sont passés par la même case y compris Rock Hudson dans Taza, fils de Cochise (1954), unique western de Douglas Sirk qui délaissera pour l'occasion ses mélodrames urbains. L'indien est alors une figure héroïque, virile et fière de ses origines. Par la suite, les bouleversements sociaux américains, tout comme les virulentes images véhiculées par la guerre du Vietnam, entraineront Hollywood à radicalement changer son point de vue sur la communauté indienne.

Taza, fils de Cochise
Le mouvement hippie passant par là, les traditions indiennes, tel le chamanisme, deviendront à la mode au sein d'une société en pleins bouleversements. Au cinéma, c'est au tour du colon américain de devenir la proie de nombreuses critiques. Les cinéastes contestataires du Nouvel Hollywood s'en donneront à c½ur joie pour redorer l'image de la communauté indienne à travers de larges fresques. Little Big Man (1970) d'Arthur Penn en est le meilleur exemple qui n'est pas sans faire échos aux atroces massacres perpétrés au Vietnam.

Little Big Man
De son côté, Robert Altman réalise Buffalo Bill et les Indiens (1976), une farce ridiculisant définitivement le célèbre entertainer américain incarné par Paul Newman. Enfin, le duo Robert Redford et Sydney Pollack se retrouvent en 1971 pour Jeremiah Johnson après leur première association dans Propriété interdite (1967). Ici, il s'agira pour les deux hommes de retourner aux sources du romantisme en relatant le parcours d'un pionnier solitaire fuyant la civilisation pour ne trouver que haine et violence en pleines montagnes rocheuses.

Buffalo Bill et les Indiens
C'est toujours dans les années 70 que l' « American Indian Movement » s'impose politiquement avec comme objectif de reconsidérer les droits civils des Amérindiens. Ces différents mouvements, supportés par des figures majeures comme Marlon Brando, conduisent alors Hollywood à reconsidérer de nouveau la représentation de l'Amérindien dans la société contemporaine.
Les années 90 sont en ce sens les plus prolifiques, essentiellement grâce à Kevin Costner qui réalise en 1990 Danse avec les loups. Le film propulse sur les écrans l'émergence d'acteurs amérindiens dont les plus emblématiques restent encore aujourd'hui Graham Greene et West Studi. Que cela soit dans La vengeance du loup (1991) de Richard Bugajski, C½ur de tonnerre (1992) de Michael Apted ou Geronimo (1993) de Walter Hill, chacun de ces films relate l'amitié entre un Américain et un Amérindien que tout oppose et qui ne trouveront le salut que dans un partage de connaissances et de leurs cultures.

La vengeance du loup
Petit à petit, Hollywood délaissera la figure de l'indien dans ses productions sans toutefois manquer de les représenter dans des drames surnaturels comme Les Disparus (2003) de Ron Howard ou encore Dreamcatcher (2003) de Lawrence Kasdan. Seul Terrence Malick osera redonner à la culture amérindienne ses véritables lettres de noblesse en redorant le mythe de Pocahontas avec Le Nouveau Monde en 2006. À partir de 2008, la saga Twilight usera de la métaphore en transformant une communauté amérindienne en loups-garous héroïques (et toujours autant romantiques). C'est alors le sacre du jeune acteur Taylor Lautner, seul rescapé à ce jour d'une partie de l'histoire du cinéma qui a aujourd'hui encore du mal à trouver ses propres marques.
Edouard Brane
Partage